3.3- Tentative de solution de la structure
A ce point du scénario, tout peut se passer comme si nous avions réalisé l'étude d'un mauvais monocristal au diffractomètre 4-cercles. En effet, nous disposons de mauvaises données. On va comprendre aisément pourquoi. Plus une réflexion a des voisines proches sur le spectre de poudre et moins le facteur de structure "|Fobs|" est fiable. En pratique, un chevauchement strict de deux réflexions conduit à la proposition suivante : les "|Fobs|" des deux réflexions sont les mêmes. En effet, la méthode Le Bail applique la formule de décomposition de Rietveld en partant d'une proposition de |Fhkl| tous identiques. Comme la répartition aux "|Fobs|" des intensités dans un groupe de réflexions se fait en fonction des |Fcalc|, deux réflexions avec strict chevauchement vont recevoir la même répartition et resteront donc égales tout au long du processus itératif : c'est l'équipartition. Bien sûr, c'est inexact mais il est rigoureusement impossible de faire mieux à ce stade. Mais c'est peut-être possible à un stade ultérieur... voir les quelques méthodes spéciales qui proposent d'utiliser l'information contenue dans l'intensité des réflexions isolées pour modifier l'équipartition des réflexions superposées. Un moyen moins sophistiqué mais éprouvé consiste, à l'aide d'un petit programme de calcul (OVERLAP), à éliminer les réflexions les "moins sûres" du jeu de données. On peut aller jusqu'à 50% de suppression des réflexions qui se chevauchent si on vise les méthodes directes, plus de 50% si l'on n'a que peu d'atomes lourds à trouver par la méthode de Patterson. Il serait préférable d'associer le critère d'élimination à l'évolution des FWHM plutôt que de prendre une valeur fixe. Cependant OVERLAP se contente d'écarter les réflexions ayant une voisine plus proche que X° 2-theta. Si l'application des méthodes directes et/ou de Patterson n'est pas concluante avec le jeu de données complet, on essaiera successivement d'appliquer ces méthodes à des jeux de données partiels pour X = 0.01 puis 0.02, 0.03, 0.04° 2-theta, etc. Il faut un critère d'élimination ne dépassant pas 0.02° 2-theta pour des cas à la limite des possibilités définies par les volumes maximum du paragraphe 3.1.1.
Le choix de la méthode (directe, Patterson) pour parvenir à la solution est guidé par la présence ou non d'atome "lourd", il n'y a pas de différence ici avec les stratégies suivies pour une étude sur monocristal. Dans ce scénario, nous avons testé principalement les programmes bien connus SHELXS86/SHELX76. Vous ne trouverez pas ici les modes d'emploi de ces programmes (30 à 40 pages, sans compter la théorie des méthodes directes), il faudra bel et bien les lire à fond.
Autre chose importante à savoir : les conditions optimales d'une détermination de structure par les méthodes directes (inévitables si le modèle initial nécessaire pour démarrer un affinement comporte plus de 2 ou 3 atomes indépendants) correspondent à une résolution de l'ordre de 1 Å, soit d'après la loi de Bragg, 2-theta max proche de 100° pour une longueur d'onde = 1.54056 Å. Il est souhaitable que moins de la moitié des réflexions répondant à cette limite de résolution soient éliminées par le critère de chevauchement défini plus haut. Bien souvent, la structure est résolue avec le jeu de données complet. C'est un fait étonnant compte tenu de la quantité de réflexions dont les facteurs de structure seront inexacts. On peut penser que c'est parce qu'ils sont inexacts de façon aléatoire que le processus reste efficace. En effet les méthodes directes et de Patterson recherchent l'ordre. L'influence d'erreurs aléatoires sera d'élever un fond continu au dessus duquel il sera cependant de plus en plus difficile de trouver des pics si la véritable information est trop diluée.
Enfin, parlons du groupe d'espace. Il est parfois difficile d'en être vraiment sûr. Dans le pire des cas, plusieurs groupes peuvent présenter les mêmes extinctions. Parmi les groupes d'espace possibles, on commence toujours par tester celui de plus haute symétrie (à moins d'information extérieure comme un test de doublage de fréquence laser concluant à une évidente non-centrosymétrie).
Voyons les exemples du scénario :
Na2C2O4
Aucun atome lourd là-dedans, nous appliquerons
d'emblée les méthodes directes par l'intermédiaire
de SHEXS86 (n'oubliez pas de lire le mode d'emploi très attentivement),
avec dans un premier temps le jeu complet des "|Fobs|" (325 hkl).
Le programme se lance simplement dans une boite DOS (figure
24). Le fichier de données est dans naoxa9.html
avec le résultat. Pas de précipitation, comparons ce résultat
avec ceux obtenus pour deux jeux de données réduits par le
programme OVERLAP avec élimination des réflections se chevauchant
de plus près que 0.02° et 0.04° 2-theta (il reste alors
respectivement 286 et 242 hkl). Overlap se lance assez simplement (figure
25). Le résumé des trois essais sous forme des 5 premiers
atomes proposés par SHELXS86 est dans naoxa10.html.
Il reste à valider éventuellement l'une ou l'autre de ces
propositions ou bien certains atomes de la liste.
[Pd(NH3)4]Cr2O7
La méthode de Patterson s'impose en principe. Mais
qui peut le plus peut le moins, les méthodes directes restent bien
sûr efficaces lorsqu'il n'y a que peu d'atomes à trouver.
Avec SHELXS86, lancer une Patterson exige plus de temps de calcul que les
méthodes directes. C'est pourquoi, quel que soit le cas, mon premier
réflexe est toujours de tester les méthodes directes. Mais
suivons d'abord la voie la plus logique avec la méthode de Patterson.
Cette fois, avec plus de 1000 réflexions, et compte tenu du fait
que les FWHM ne sont pas spécialement étroites, assez peu
de "|Fobs|" sont réellement bien estimés. La méthode
de Patterson arrive à se contenter de peu si le nombre d'atomes
lourds à localiser est faible. Une application de OVERLAP avec un
critère d'élimination de 0.08° 2-theta conduit à
ne conserver que 137 réflexions. Avec une option PATT de SHELXS86,
deux atomes sont proposés, Pd en 0,0,0
et Cr en 0,0,0.5. Le chrome est prévu en site tétraèdrique
et ne peut donc pas s'accomoder d'être sur un centre d'inversion.
Nous pensons connaitre la formule, si l'on attribue 20 A3 d'encombrement
à NH3 et à l'oxygène, cela correspond à
11x20 = 220 A3 pour un volume de maille d'un peu plus de 1000
A3 soit un nombre de motifs par maille Z = 4. Il faudrait donc,
si la formule est exacte, que les deux sites proposés par le dépouillement
automatique de la Patterson correspondent à deux atomes de palladium.
On peut déjà tenter un affinement avec SHELX76, le résultat
est assez peu satisfaisant au premier abord avec R = 0.62, cependant la
synthèse de Fourier différence fait apparaître deux
pics nets qui pourraient bien être associés à deux
atomes de chrome indépendant. Le mieux est bien sûr de tester
cette hypothèse avec SHELX76. La reliabilité chute à
35% et il semble bien que la Fourier différence
continue à proposer des positions acceptables pour d'autres atomes
(au moins les 3 premiers de la liste) qui pourraient être des oxygènes
(à 1.61 ou 1.57 A du chrome) ou azotes (à 2.19 A du palladium).
Il faut continuer à les introduire jusqu'à ce que plus rien
ne soit discernable sur la Fourier différence. Et qu'auraient donné
les méthodes directes ? L'application brute aux 1054 hkl, dont probablement
pas plus de 250 sont correctement estimées, propose dans le désordre
les 4 sites d'atomes lourds en tète de liste
et plus encore !