STRATEGIES DES DETERMINATIONS STRUCTURALES SUR POUDRE


3- La détermination de la structure sur poudre est décidée

3.1- Les limites

Dans ce genre de job, il n'est pas question de foncer sans réfléchir: ce qu'il est possible de réaliser est assez bien balisé.

3.1.1- Diffractomètre conventionnel de laboratoire

Les limites du possible dépendent du nombre maximum estimé de paramètres que l'on peut espérer pouvoir affiner au dernier stade par la méthode de Rietveld. Les chiffres que je vous propose sont purement indicatifs et personnels, pour des FWHM (Full Width at Half Maximum = pleine largeur à mi-hauteur) de l'ordre de 0.12° 2-theta, 50 à 70 coordonnées atomiques (x,y,z) sont affinables raisonnablement (sans donc tenir compte des coordonnées qui pourraient être fixes du fait de position particulière, ni des facteurs d'agitation thermique), ce qui fait entre 17 et 23 atomes indépendants en position générale (cela peut faire plus s'il y a des atomes en position particulière).

A ces limites correspondent en gros des volumes maximum de maille, variables selon les systèmes cristallins et les réseaux de Bravais. Pour des groupes d'espace centrosymétriques, les volumes maximum sont de l'ordre de :

   Vmax(Å3)    Multiplicité de la         Réseau       Système 
               position générale 
   500                2                               Triclinique 
  1000                4                     P         Monoclinique 
  2000                8                     C              ,, 
  2000                8                     P         Orthorhombique 
  4000               16                  A,B,C,I           ,, 
  8000               32                     F              ,, 
  etc...
 12000               48                     P         Cubique
 24000               96                     I         Cubique
 48000              192                     F         Cubique

En nombre de réflexions maximal, cela fait de 1000 à 1500 pour un spectre de 5 à 150° 2-theta enregistré avec une longueur d'onde de l'ordre de 1.5 Å soit 20 réflexions par paramètre xyz affiné (10 réflexions par paramètre, incluant les agitations thermiques, est la norme pour une étude sur monocristal, le chiffre plus élevé retenu ici pour les poudres est une conséquence du problème de chevauchement des réflexions). On s'aperçoit que ces limites maximales sont en fait impressionantes. Il faut pondérer les volumes de maille maximum par 1/2 si on travaille dans un groupe non-centrosymétrique et par 1/2 également si on souhaite atteindre une bonne précision, notamment pour les distances interatomiques.

3.1.2- Rayonnement synchrotron

Si vos FWHM minimales descendent à 0.06 ou 0.02° 2-theta, vous pouvez multiplier les volumes maximum indiqués au paragraphe 3.1.1 (pour des FWHM de 0.12° 2-theta) par 2 ou 6, cela devient confortable. De l'ordre de 150 atomes en position indépendante, soit 450 paramètres xyz affinables, 9000 ou 10000 réflexions qui pourraient être extraites du spectre de poudre, des mailles tricliniques centrosymmétriques de 3000 Å3 jusqu'aux mailles cubiques F de 300000 Å3 sont les limites maximales théoriques actuelles en rayonnement synchrotron. Aucune étude n'a atteint ces limites, mais c'est pour la simple raison que cela n'a pas été essayé ! Des FWHM de 0.008° 2-theta ont même été tout récemment obtenues à l'ESRF, ces performances obligent à mesurer avec un pas de comptage de l'ordre de 0.002° 2-theta soit 75000 points pour un spectre (à rapprocher des 10000 reflections espérées, une réflexion tous les 7 points c'est raisonable) ! Les problèmes les plus gros résolus (60 atomes en position indépendantes, 180 paramètres xyz affinés) à ce jour, bien que respectables, sont encore loin des limites suggérées ici. La liste des records selon ces critères de complexité est au Top 50 de la banque de données SDPD-D. Par contre, les limites maximales proposées pour les diffractomètres conventionnels de laboratoires ont été atteintes sans problèmes pour des mailles tricliniques, monocliniques ou orthorhombiques.

3.1.3- Diffraction des neutrons

Dans ce cas, avec des FWHM de l'ordre de 0.12° pour les meilleurs diffractomètres à neutrons ou même 0.25 à 0.30° 2-theta pour les moins bons, les limites maximales du paragraphe 3.1.1 seraient applicables ou à diviser par 2 ou par 3. Pourtant le nombre maximum estimé de paramètres que l'on peut espérer pouvoir affiner au dernier stade par la méthode de Rietveld n'est pas un critère suffisant pour estimer les limites de faisabilité. En effet, la partie se joue aussi au moment de l'application des méthodes directes ou de Patterson pour l'établissement d'un modèle de départ suffisamment gros pour que l'affinement de structure soit possible, la structure étant ensuite complétée par des synthèses de Fourier différence. Sans la présence d'atomes distinctement plus lourds que les autres au sens d'une valeur sensiblement plus élevée de leur facteur de diffusion, c'est tous les atomes qu'il faut localiser comme modèle initial. Les neutrons vous placent systématiquement dans un tel cas. En effet les longueurs de Fermi restent du même ordre de grandeur pour tous les atomes. Il est donc en général plus difficile de déterminer une structure sur poudre en se limitant aux neutrons. Rien n'empêche de joindre les avantages complémentaires de ces différentes radiations. Une structure peut-être partiellement déterminée aux rayons X par la localisation de quelques atomes lourds et elle peut-être complétée et/ou la précision de la position des atomes 'légers" (pour les rayons X) peut être améliorée en diffraction de neutrons. On consultera dans SDPD-D le top 30 des structures les plus complexes du point de vue du plus grand nombre d'atomes localisés simultanément à l'étape de l'application des méthodes directes et de Patterson. La limite maximale observée est à seulement 18 (6 pour les neutrons), c'est encore très peu mais ce record ne devrait pas tarder à tomber.

-/0/+


Copyright © 1997- Armel Le Bail