Dans ce genre de job, il n'est pas question de foncer sans réfléchir:
ce qu'il est possible de réaliser est assez bien balisé.
Les limites du possible dépendent du nombre maximum estimé de paramètres que l'on peut espérer pouvoir affiner au dernier stade par la méthode de Rietveld. Les chiffres que je vous propose sont purement indicatifs et personnels, pour des FWHM (Full Width at Half Maximum = pleine largeur à mi-hauteur) de l'ordre de 0.12° 2-theta, 50 à 70 coordonnées atomiques (x,y,z) sont affinables raisonnablement (sans donc tenir compte des coordonnées qui pourraient être fixes du fait de position particulière, ni des facteurs d'agitation thermique), ce qui fait entre 17 et 23 atomes indépendants en position générale (cela peut faire plus s'il y a des atomes en position particulière).
A ces limites correspondent en gros des volumes maximum de maille, variables
selon les systèmes cristallins et les réseaux de Bravais.
Pour des groupes d'espace centrosymétriques, les volumes maximum
sont de l'ordre de :
Vmax(Å3) Multiplicité de la Réseau Système position générale
500 2 Triclinique 1000 4 P Monoclinique 2000 8 C ,, 2000 8 P Orthorhombique 4000 16 A,B,C,I ,, 8000 32 F ,, etc... 12000 48 P Cubique 24000 96 I Cubique 48000 192 F Cubique
En nombre de réflexions maximal, cela fait de 1000 à 1500
pour un spectre de 5 à 150° 2-theta enregistré avec une
longueur d'onde de l'ordre de 1.5 Å soit 20 réflexions par
paramètre xyz affiné (10 réflexions par paramètre,
incluant les agitations thermiques, est la norme pour une étude
sur monocristal, le chiffre plus élevé retenu ici pour les
poudres est une conséquence du problème de chevauchement
des réflexions). On s'aperçoit que ces limites maximales
sont en fait impressionantes. Il faut pondérer les volumes de maille
maximum par 1/2 si on travaille dans un groupe non-centrosymétrique
et par 1/2 également si on souhaite atteindre une bonne précision,
notamment pour les distances interatomiques.
Si vos FWHM minimales descendent à 0.06 ou 0.02° 2-theta, vous pouvez multiplier les volumes maximum indiqués au paragraphe 3.1.1 (pour des FWHM de 0.12° 2-theta) par 2 ou 6, cela devient confortable. De l'ordre de 150 atomes en position indépendante, soit 450 paramètres xyz affinables, 9000 ou 10000 réflexions qui pourraient être extraites du spectre de poudre, des mailles tricliniques centrosymmétriques de 3000 Å3 jusqu'aux mailles cubiques F de 300000 Å3 sont les limites maximales théoriques actuelles en rayonnement synchrotron. Aucune étude n'a atteint ces limites, mais c'est pour la simple raison que cela n'a pas été essayé ! Des FWHM de 0.008° 2-theta ont même été tout récemment obtenues à l'ESRF, ces performances obligent à mesurer avec un pas de comptage de l'ordre de 0.002° 2-theta soit 75000 points pour un spectre (à rapprocher des 10000 reflections espérées, une réflexion tous les 7 points c'est raisonable) ! Les problèmes les plus gros résolus (60 atomes en position indépendantes, 180 paramètres xyz affinés) à ce jour, bien que respectables, sont encore loin des limites suggérées ici. La liste des records selon ces critères de complexité est au Top 50 de la banque de données SDPD-D. Par contre, les limites maximales proposées pour les diffractomètres conventionnels de laboratoires ont été atteintes sans problèmes pour des mailles tricliniques, monocliniques ou orthorhombiques.
Dans ce cas, avec des FWHM de l'ordre de 0.12° pour les meilleurs
diffractomètres à neutrons ou même 0.25 à 0.30°
2-theta pour les moins bons, les limites maximales du paragraphe 3.1.1
seraient applicables ou à diviser par 2 ou par 3. Pourtant le nombre
maximum estimé de paramètres que l'on peut espérer
pouvoir affiner au dernier stade par la méthode de Rietveld n'est
pas un critère suffisant pour estimer les limites de faisabilité.
En effet, la partie se joue aussi au moment de l'application des méthodes
directes ou de Patterson pour l'établissement d'un modèle
de départ suffisamment gros pour que l'affinement de structure soit
possible, la structure étant ensuite complétée par
des synthèses de Fourier différence. Sans la présence
d'atomes distinctement plus lourds que les autres au sens d'une valeur
sensiblement plus élevée de leur facteur de diffusion, c'est
tous les atomes qu'il faut localiser comme modèle initial. Les neutrons
vous placent systématiquement dans un tel cas. En effet les longueurs
de Fermi restent du même ordre de grandeur pour tous les atomes.
Il est donc en général plus difficile de déterminer
une structure sur poudre en se limitant aux neutrons. Rien n'empêche
de joindre les avantages complémentaires de ces différentes
radiations. Une structure peut-être partiellement déterminée
aux rayons X par la localisation de quelques atomes lourds et elle peut-être
complétée et/ou la précision de la position des atomes
'légers" (pour les rayons X) peut être améliorée
en diffraction de neutrons. On consultera dans SDPD-D le top
30 des structures les plus complexes du point de vue du plus grand
nombre d'atomes localisés simultanément à l'étape
de l'application des méthodes directes et de Patterson. La limite
maximale observée est à seulement 18 (6 pour les neutrons),
c'est encore très peu mais ce record ne devrait pas tarder à
tomber.