STRATEGIES DES DETERMINATIONS STRUCTURALES SUR POUDRE


3.4- Stratégie pour compléter la structure

Retenir une proposition d'atome ou non après application des méthodes directes ou de Patterson est une question de bon sens en fonction de ce que vous savez déjà de votre composé. Même si vous n'avez pas encore la formulation exacte, vous savez quand même ce qui était dans la potion magique au moment de la synthèse. C'est l'examen des distances interatomiques dans le modèle qui vous permet de l'accepter comme plausible ou non compte tenu des types d'atomes probablement présents dans votre composé. Il peut être utile de transférer les coordonnées de votre modèle dans un programme plus spécialisé en calcul de distances que SHELXS86, voire même dans un programme de dessin de structure.

Lorsque vous pensez tenir un modèle ou une portion de modèle plausible il faut tester cette hypothèse à l'aide d'un programme d'affinement de structure sur monocristal appliqué à vos "|Fobs|" : SHELX76 ou SHELXL93 dans le cadre du scénario. Le mieux est de tester la proposition sur un fichier partiel, ayant éliminé les réflexions qui se chevauchent de trop près. Un modèle qui conduit à ce stade à une reliabilité R inférieur à 40-35% commence à être intéressant, d'autant plus si des pics nets se détachent sur la liste des pics extraits de la synthèse de Fourier différence. Si c'est le cas, on ajoute ces pics dans le modèle après avoir vérifié si les distances interatomiques restent satisfaisantes (il ne faut quand même pas être borné, il arrive que du chlore rentre dans un fluorure quand on ne s'y attend pas...). Une fois qu'il est devenu impossible d'extraire plus d'informations du jeu des "|Fobs|" résultant de l'application de la méthode Le Bail, il est alors temps de passer à la méthode de Rietveld si le modèle parait cohérent. La structure n'est pas encore nécessairement complète à ce stade et il sera peut-être indispensable de récupérer de nouveaux "|Fobs|" en fin d'affinement de structure par la méthode de Rietveld et de les réinjecter dans SHELX76 ou SHELXL93 afin de réaliser une nouvelle synthèse de Fourier différence. Ainsi de suite jusqu'a satisfaction finale. Les résultats à publier sont ceux du dernier affinement par la méthode de Rietveld. Voyons les exemples du scénario :

Na2C2O4
Examinons les 3 propositions de SHELXS86 rassemblées dans le fichier naoxa10.html. Dans la première proposition obtenue d'après le jeu complet de données, l'atome noté 1 se distingue nettement par un pic plus intense (474), ce pourrait être un sodium mais alors l'atome numéroté 4 situé à 1.25 Å serait un artefact. Les atomes 3 et 2 (hauteurs de pics 184 et 251) seraient respectivement un carbone et un oxygène ou vice versa. Plutôt vice versa car on s'attend à ce que le carbone soit plus loin du sodium (distance 2-1 = 3.06 Å) que ne le serait l'oxygène (distance 3-1 = 2.26 Å). Ce qui est gênant dans cette première proposition c'est l'absence de séparation nette entre les intensités des pics qui correspondraient à des atomes et celle des pics qui n'en seraient pas (pic 4). Dans la deuxième proposition pour 286 hkl, le pic 1 serait un carbone, le 2 du sodium, les 3 et 4 des oxygènes. La troisième proposition pour 242 hkl paraît plus séduisante car l'on s'attend à trouver le sodium en pic le plus intense, les pics 2 et 4 seraient alors des oxygènes et le pic 3 un carbone, ensuite il y a une nette chute d'intensité pour le pic 5. Notez que les propositions 1 et 3 se rejoignent pour les trois premiers pics si on permute les pics 2 et 3. En rentrant les positions des 4 premiers atomes de la proposition 3 dans STRUVIR, un programme de dessin de structure qui calcule aussi les distances plus systématiquement que SHELXS86, la proposition d'attribution des pics semble bien se confirmer (naoxa11.html). En fait STRUVIR reconnait même d'emblée la présence d'octaèdres NaO6 (vous pouvez visualiser la structure 3D brute à ce stade en VRML ou une image 2D). Avec ce modèle, SHELX76 est lancé (figure 26) sur le jeu de données réduit de 242 hkl et la reliabilité chute en 4 cycles d'affinement à 25%, il ne semble pas rester quoi que ce soit sur la Fourier différence (naoxa12.html). La confirmation reste à être obtenue par l'application de la méthode de Rietveld. Après avoir affiné seulement un facteur d'échelle avec FULLPROF, tous les autres paramètres étant bloqués aux valeurs consécutives à l'application de la méthode Le Bail pour les paramètres de profil et de SHELX76 pour les paramètres de structure, une minute plus tard le modèle est définitivement confirmé par des reliabilités déjà plus satisfaisantes (figure 27). Enfin tous les paramètres sont affinés par la méthode de Rietveld. Dans un premier temps les agitations thermiques sont affinées en isotrope (RP = 11, RWP = 13, RB = 8%), puis en anisotrope (RP = 7.6, RWP = 8.8, RB = 5.0%, ce n'est possible en anisotrope que parce que tous les atomes sont "légers") et enfin une orientation préférentielle est décelée malgré l'usage d'un porte échantillon à remplissage vertical (direction [001], March-Dollase paramètre de 1.09 indiquant en principe des aiguilles allongées selon l'axe c, privilégiant toutes les autres orientations) et le résultat est dans le fichier naoxa13.html. La figure 28 permet de juger la qualité de l'affinement final (RP = 5.7, RWP = 7.2, RB = 2.6%). Dernier point à éclaircir, la forme du fond continu est due au porte échantillon en plastique, l'échantillon étant totalement traversé par les rayons X en dépit de 1mm d'épaisseur.

[Pd(NH3)4]Cr2O7
Avec tous les atomes lourds et quelques oxygènes et azotes localisés, on peut envisager un affinement par la méthode de Rietveld avec ce modèle partiel. Les reliabilités tombent rapidement à RP = 24.6, RB = 20.3, RF = 11.2 % après application de FULLPROF. Pour compléter la structure, les "|Fobs|" estimés en fin d'affinement vont être exploités par SHELX76. N'oublions pas que nous sommes au-delà des limites théoriques du possible, il pourrait être encore utile d'épurer les facteurs de structure au moyen du programme OVERLAP. Mais pour l'instant, SHELX76 appliqué aux 1528 réflexions (jusqu'à 120° 2-theta) et les 7 atomes indépendants déjà localisés, permet de retrouver R = 0.109 (soit le RF de FULLPROF). La Fourier différence est assez mal exploitée par SHELX76 qui ne propose guère de distances interatomiques. Il est temps de visionner la structure par STRUVIR et d'examiner si les nouveaux sites proposés par SHELX76 sont acceptables. Le fichier est rapidement préparé, STRUVIR reconnait un tétraèdre complet CrO4 et des polyèdres "bizarres" pour les deux sites de palladium (figpd7.gif). L'examen du dessin de structure montre que ces polyèdres "bizarres" ne sont autres que des plan carrés PdN4. Les distances interatomiques montrent que les pics Q1, Q5 et Q7 de la Fourier différence feront des atomes d'azote acceptables tandis que les pics Q3, Q9, Q11 et Q12 feront des oxygènes. Il manquera encore un oxygène pour compléter la structure. Celui-ci sera trouvé par un nouveau cycle FULLPROF-SHELX76, sa position pourrait aussi être devinée en complétant simplement le dernier tétraèdre CrO4. Par contre, inutile d'espérer localiser les atomes d'hydrogène en présence d'un atome aussi lourd que le palladium. Pourtant ils pèsent suffisamment pour que le fait de ne pas les mettre conduise à une agitation thermique négative des atomes d'azote dans l'affinement final (Powder Diffraction, 10, 1995, 159-164).

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